Il y a cinq ans, le 9 avril 2019, une tempête de neige s’est abattue sur mon coin de pays. Une autre tempête, plus sournoise et passée inaperçue pour la plupart des gens, a changé ma vie.
Ce matin là, comme tous les matins depuis cinq ans, je m’étais levée à 5h30 pour faire ma séance quotidienne de 90 minutes de yoga. Je suis allée reconduire ma fille à l’école et j’ai filé au métro pour aller rejoindre ma collègue de travail. Je m’apprêtais à passer toute la journée à animer un important atelier de planification stratégique. Mon client avait eu des réserves suite au premier atelier, donc j’étais particulièrement anxieuse pour la suite.
La neige tombait en gros flocons sur le pare-brise et tout le trajet avec ma collègue a été consacré à repasser les détails de la journée afin d’être bien arrimées. Au moment de se stationner, je reçois un appel d’un ami avec qui j’ai peu de contact. Je prends l’appel, curieuse.
- Salut, ça va?
- Oui, toi? Écoute je suis contente que tu appelles mais ce n’est pas un bon moment. Je peux te rappeler?
- Lis La Presse avant.
- Tu sais que je ne lis pas les journaux.
- Il y a un article très peu flatteur sur ton professeur de yoga.
- Écoute, je sais qu’il a des détracteurs, ça fait plusieurs semaines que ses médias sociaux sont pollués par des commentaires désobligeants. Je le lirai après ma journée.
- Ok, rappelle-moi si t’as besoin de jaser.
À ce moment, j’ai pris la meilleure décision pour moi. J’ai attendu. J’ai choisi de focaliser mon énergie sur le moment présent. L’article de journal n’était pas prioritaire.
Au courant de la journée, les flocons, comme les messages dans mes divers canaux de communication, s’accumulaient.
Pendant que la tempête dehors faisait rage, je consacrais mon énergie à l’atelier. À être présente aux gens dans la salle, à répondre à leurs questions, à faire des blagues.
Quand la journée a été terminée, et que le client nous a félicitées pour le bon travail, je me suis assise quelques minutes dans la voiture de ma collègue pour mesurer l’ampleur de l’accumulation. J’ai lu l’article d’abord. Puis les messages. La plupart bienveillants, quelques-uns inquiets, d’autres me poussant à prendre action. Je me suis tournée vers ma collègue, qui est aussi ma soeur, et lui ai dit d’une voix blanche : mon prof a été accusé d’abus. Elle m’a prise dans ses bras et m’a demandé comment je me sentais.
À ce moment là, je me sentais comme ensevelie sous une tonne de neige. Ma poitrine était contractée, mon ventre noué et ma tête cotonneuse.
Ma soeur ma donné le meilleur conseil : prends le temps de mesurer ce qui se passe avant de faire quoi que ce soit. Laisse la tempête se calmer avant de pelleter.
Comme bien des moments dans ma vie, elle avait raison. J’ai répondu tranquillement à mes messages en disant que j’avais besoin de temps pour évaluer la situation. J’ai longuement discuté avec mon conjoint. J’ai médité, jasé avec des amies, médité de nouveau, pleuré, questionné, reparlé, fait du yoga, médité, pleuré. La tempête extérieure s’est calmée, mais celle à l’intérieur a duré plusieurs jours.
Finalement, j’ai pris ma pelle et fait des choix.
Parce que lorsqu’une tempête s’abat littéralement et métaphoriquement on a toujours des choix à faire. On commence à déblayer où et quoi? Est-ce qu’on enlève toute la neige ou on en laisse? Si on la garde, quelle est sa place?
Il y a eu des choix déchirants, des regrets et de la douleur. Après avoir traversé le plus gros, le plus dur a été de rebâtir ce que la tempête avait détruit. Ma confiance en moi, ma foi en l’autre, une réappropriation de la nouvelle version de moi-même.
Le printemps est revenu. Dans ma ville comme dans ma vie. Mon printemps a mis du temps à poindre. La queue de la tempête a teintée ma vie pendant plusieurs années. L’ancienne moi est morte. Certaines parties ont survécues et d’autres ont émergées.
Cinq ans plus tard je peux remercier la vie d’avoir mis ce tumulte sur ma route. Ce blogue a émergé, mon premier roman aussi. J’ai tissé de nouvelles collaborations alignées. Mon deuxième roman est en préparation, ainsi que des ateliers d’écriture, une retraite et de nombreux autres projets.
Je ne sais pas ce qu’aurait été ma vie aujourd’hui si tout cela n’était pas arrivé. J’ai appris avec la pratique de yoga conscient que la douleur peut être un chemin vers la guérison. Je peux affirmer que je suis sur la bonne voie.
Touchant et juste! Ta plume m’inspire beaucoup!